Le Belarus, un pays en voie de disparition

Contexte de l’entretien : automne 2008, quelques semaines après des élections législatives. A cette époque, j’étudiais à Varsovie et j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer un des leaders de l’opposition démocratique biélorusse, Alexander Milinkevitch, ancien candidat à la présidence.


Les résultats des dernières élections législatives de septembre 2008 furent sans appel : 100% des sièges du Parlement allèrent à des députés fidèles au président Alexander Loukachenko, au pouvoir depuis 1994. Pour l’opposition : rien.

Détruire la peur

Consciente de la nécessité d’une évolution progressive, l’UE ne se focalise que sur trois aspects : libération des prisonniers politiques, des médias plus libres et des élections démocratiques.

Pour Alexandre Milinkevitch, leader de l’opposition, le bilan de ces pressions est assez mitigé. « Concernant la libération des prisonniers, l’année 2008 est très bonne, puisque huit opposants ont été libérés. Mais sur les médias, aucun progrès n’a été enregistré et ces élections n’auront été que cosmétiques. Si le pouvoir respectait les 12 conditions de l’Union européenne, ce serait alors la fin du pouvoir… ».

Toutefois, le leader de l’opposition reste optimiste. « Ces élections ont tout de même permis de rencontrer les gens en sillonnant le pays, de discuter avec eux, d’évoquer leur situation. Nous nous sommes servis de cette opportunité pour détruire le sentiment de crainte. Avant les élections, 30% des gens pensaient qu’elles n’étaient pas démocratiques. Aujourd’hui près de 60% ».Car selon lui, une révolution orange comme en Ukraine ne sera possible quand lorsque la peur aura disparu de l’esprit des habitants. « Ils faut que les gens deviennent des citoyens. Il sera alors temps de détruire le pouvoir en place ».

Une OPA hostile sur le pays ?

En même temps, ce qui préoccupe Milinkevitch, c’est la menace russe qui pèse sur son pays. « Mon pays est en danger. Dans deux ans (ndla: cet entretien ayant eu lieu en 2008, cela renvoi à 2010), le Belarus peut avoir disparu pour des raisons économiques ».

Cette crainte qui n’a que peu d’échos en Europe est pourtant sérieuse. « Pendant longtemps, le président du Belarus faisait croire à Moscou qu’il voulait une union avec la Russie. Ce jeu lui permettait d’avoir un prix très avantageux sur le gaz et ainsi offrir des privilèges à sa population. Sauf qu’aujourd’hui, l’équipe au Kremlin a changé et a bien compris que jamais Loukachenko n’acceptera une union ».

En réponse, la Russie a fortement augmenté les prix du gaz, forçant Minsk à s’endetter à hauteur de 5 milliards de dollar. « Et cette dette va encore augmenter car l’économie n’a pas été modernisée, et nous devons malgré tout continuer à importer du gaz. Le risque est que notre pays tombe ainsi sous protectorat russe dans les années à venir ».

Cette situation explique aujourd’hui le rapprochement que tente d’effectuer le pouvoir en place vers l’Union européenne, cherchant un contre poids à l’influence russe sur le pays. « Si nous arrivons à moderniser l’économie, à en finir avec la crise économique, ces changements pourront entraîner des changements politiques. Je ne pense donc pas que les sanctions économiques contre le Belarus soient utiles. Elles peuvent au contraire, permettre au pouvoir en place de trouver un bouc-émissaire à la dégradation de la situation économique et faire de l’Union européenne un ennemi du peuple de notre pays ».

C’est pourquoi Alexandre Milinkevitch prône plutôt des sanctions ciblées contre les tenants du pouvoir, qui « peuvent être ajustées très facilement selon les avancées ou retours en arrière dans le processus de démocratisation ».