Vent révisionniste en Flandre
Le parti d’extrême droite flamand, le Vlaams Belang tente depuis des années d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement belge une loi en vue d’annuler l’ensemble des condamnations d’après-guerre pour collaboration et de les indemniser. Pour la première fois, seuls deux partis flamands s’y sont opposés.
70 sur 88. C’est le nombre d’élus flamands du Parlement fédéral issus de partis en faveur de prendre en considération par la Chambre une proposition de loi effaçant, « tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d’actes d’incivisme prétendument commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 et instituant une commission chargée d’indemniser les victimes de la répression d’après-guerre ou leurs descendants pour le préjudice financier ».
Tout doit être discuté
Ce texte aux relents révisionnistes a logiquement été soutenu par le Vlaams Belang et les séparatistes flamands de la NVA (Alliance Néo-flamande). Mais aussi par deux partis traditionnels majeurs: les Chrétiens-démocrates flamands (CD&V), les libéraux flamands (Open-VLD). Une première.
Seuls les écologistes (Groen!) et les socialistes flamands (SP.a) se sont opposés à sa prise en considération (étape nécessaire avant la mise à l’agenda). Cumulés aux Parlementaires francophones et germanophones, la proposition a été rejetée par 68 voix contre 57.
Premier parti du pays, la NVA a expliqué son soutien via Jan Jambon, qui considère que “toute proposition de loi doit pouvoir être discutée dans ce temple de la liberté de penser“. Pour les libéraux flamands qui apportèrent leur soutien à cette proposition pour la première fois (auparavant, ils avaient toujours voté contre), ils nuancèrent, expliquant qu’acceptation de forme n’impliquait pas une approbation sur le fond.
« Justifier la collaboration »
Reste que le texte déposé par le Vlaams Belang ne laisse planer aucun doute sur ses intentions: blanchir l’ensemble des collaborateurs belges. Et Flamands en particulier, allant jusqu’à leur trouver des « circonstances atténuantes » pour avoir travailler avec l’Allemagne nazie:
« Il est malveillant d’assimiler tous ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à la collaboration à des délateurs et à des tortionnaires. Cette remarque est particulièrement vraie pour la Flandre, où de nombreuses circonstances atténuantes peuvent être invoquées pour justifier la collaboration ».
Parmi les raisons invoquées: « l’incorrection dont a fait preuve l’État belge à l’égard du peuple flamand », « des arrestations dictées par des sentiments anti-flamands » et « l’aversion pour le bolchévisme athée très répandue dans la Flandre très catholique de l’époque ». Ainsi, les 23 000 Flamands qui se sont engagés dans la Division SS Langemarck entre 1941 et 1945, ce n’est pas parce qu’ils étaient nazis, c’est parce qu’ils étaient des victimes de l’État belge et catholiques.
A titre de comparaison, la France qui comptait à l’époque 40 millions d’habitants n’a fourni que 8000 hommes à la SS. La population flamande de 1940 était quant à elle d’environ 5 millions d’âmes.
Justice « haineuse »
Le texte ne proposait nullement de tenter de faire la part des choses cherchant à réhabiliter ceux qui avaient pu être condamné abusivement. Nullement. L’amnistie doit être générale.
Chapitre 2: « Suppression, pour l’avenir, de tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d’actes d’incivisme prétendument commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 ».
Qui plus est, la Belgique d’aujourd’hui devrait payer des compensations à ces personnes ou à leurs descendants qui furent victimes de la justice « bornée, aveugle et haineuse » de l’après-guerre. Toujours selon les mots de la proposition de loi, « la répression de la collaboration n’a été qu’un prétexte dont on s’est servi pour frapper le mouvement flamand ». Sans préciser toutefois que ses principales organisations identitaires de l’époque ont collaboré avec l’occupant.
Fraudes systématiques
Le Vlaams Belang cherche donc à faire admettre que l’État belge était alors contrôlé par une élite francophone qui oppressait les Flamands en présentant la totalité des personnes jugées pour collaboration comme des victimes.
Le procédé est par ailleurs habile : en utilisant des citations de politiciens francophones de l’époque et qui critiquaient déjà les abus de la justice dans les procès d’après-guerre, il en est conclu que « des fraudes ont été commises systématiquement lors de la constitution des dossiers ». Ainsi, tous méritent amnistie et indemnisation, car tous ont été victimes d’erreurs judiciaires.
Il est fort probable qu’à l’ouverture de la prochaine année législative, le Vlaams Belang propose de nouveau un texte similaire.
Détail non sans importance. Le parti CD&V, qui pense qu’il est judicieux de débattre d’un tel texte au sein du Parlement fédéral belge est aussi le parti d’Herman Van Rompuy, le Président du Conseil européen.
Pour lire la proposition de loi, voir ici.