Schengen: le FN n’a que faire de la réalité
L’information a déjà largement circulé, après une série de tweets (voir ici), vendredi 17 février. Mais cela ne fait pas de mal d’y revenir en un peu plus long avec une note de blog.
En résumé: lors du vote du Parlement européen (le 16/02) pour rendre obligatoire le contrôle des citoyens de l’UE lorsqu’ils rentrent dans l’espace Schengen (jusque là à la discrétion des Etats, mais déjà obligatoire pour les non-Européens), la présidente du FN était absente. Et le reste des élus frontistes s’est abstenu, à l’exception de Gilles Lebreton qui a carrément voté contre.
Pour une formation politique qui ne cesse de dénoncer “le laxisme” des frontières, un comble. Un manque de cohérence complet.
L’idéologie prime
Certains diront que le FN étant viscéralement contre Schengen, logique qu’il refuse de voter sa réforme. On peut l’entendre mais le parti d’extrême fait donc primer son idéologie à la sécurité des Français puisque l’objectif d’un contrôle systématique pour les citoyens de l’UE est de filtrer les Européens qui vont rentrer de Syrie. Ils seraient environ 5000 et les retours pourraient s’accélérer avec le recul de Daech sur le terrain.
Nous sommes donc loin des discours “de responsabilité” que prétendent tenir les responsables du FN dans leurs interviews.
Lors de la campagne des européens au printemps 2014, j’avais eu l’occasion de discuter avec Aymeric Chauprade, alors tête de liste en région Ile-de-France. Bien qu’il ait aujourd’hui quitté le FN (mais est toujours député à Strasbourg), il m’expliquait que la ligne du parti ne serait pas d’être dans l’obstruction permanente face à l’UE, mais de savoir être pragmatique et/ou constructif quand le sujet le méritait.
Deux ans et demi après, nous avons la preuve par l’exemple qu’il n’en est rien. Même dans un dossier aussi sensible que les retours de djihadistes de Syrie (et d’ailleurs), le FN refuse de faire la moindre concession à la réalité. Peu importe les conséquences, qui dans le cas qui nous concerne auraient pu être extrêmement graves, si les voix des sociaux-démocrates et des conservateurs n’avaient pas suffit.
On peut même y voir une stratégie de pompier-pyromane: tout faire pour éviter que Schengen fonctionne mieux, pour pouvoir continuer à le conspuer et le dénoncer. L’objectif du FN n’est pas d’améliorer la réalité, mais d’en faire émerger une autre, quelqu’en soit le coût.
Là encore, difficile d’y voir une attitude responsable.
Dans le même temps, n’ayons pas beaucoup d’illusions. Cela n’empêchera pas Marine Le Pen et les autres dirigeants du FN de conspuer le prétendu “laxisme” de Schengen. Ou de justifier son non-vote du 16 février par je ne sais quelle pirouette. A moins que les journalistes insistent…
Le sujet préféré des 27
Ce cas est révélateur car il met aussi à mal la théorie comme quoi la gestion des frontières ne serait pas prise au sérieux par l’UE. Le FN n’est pas le seul dans cette logique (à des degrés moindres toutefois) puisqu’on retrouve dans le programme de François Fillon la nécessité de réformer une énième fois Schengen.
Depuis la crise des réfugiés 2015, des réformes ont été lancées. Le contrôle systématique des Européens aux frontières extérieures est la dernière en date. En septembre 2016, il y avait aussi eu la création d’un corps européen de gardes frontières. Encore avant, une proposition pour améliorer les échanges de données entre les polices et douanes, etc. Mais que valent ces initiatives dans le champ politique français ? Elles sont insignifiantes puisqu’infiniment moins médiatisées que les habituels poncifs des hommes et femmes politiques contre “Schengen”.
Alors que dans le même temps, le sujet des frontières est probablement le plus consensuel de tous entre chefs d’Etat et de gouvernement. Lorsqu’ils se retrouvent à Bratislava, La Valette ou Bruxelles, dès qu’ils sèchent sur “comment relancer l’UE post-Brexit”, hop, ils rajoutent une ligne ou deux sur le renforcement de Schengen dans le communiqué final.
PS: un grand merci au Lab d’Europe1 d’avoir repris l’info, disséminée dans une série de Tweets, vendredi 17 février au soir, en ne citant leur source qu’à la toute fin de l’article. Si bien que tous les autres médias qui ont ensuite relayé l’histoire, ont cité le LeLab… Encore un bel exemple de déontologie journalistique et d’honnêteté intellectuelle.